« Arise » de Christian et François Ben Aïm
Créé en 2019 à la Sainte-Chapelle de Paris dans le cadre des festivals Séquence Danse et Monuments en mouvement, Arise sera présenté à l’église Saint-Florentin à Amboise dans le cadre de Tours d’Horizons le dimanche 11 juin. A ne pas rater !
Ils ne sont pas des saints, mais forment une trinité sans faille. Leur danse est portée par les vibrations rock d’une guitare électrique, mais cette musique est divine et aussi spirituelle qu’une chorale de Bach. Dans Arise, trois frères d’esprit, dont deux frères à la ville, foulent le sol pour mieux donner à sentir l’appel d’une élévation à venir.
Sous l’irrésistible aspiration vers le haut, produite par la voûte de la Sainte-Chapelle, Christian et François Ben Aïm, Louis Gillard et le musicien Piers Faccini dialoguent avec la mort, la résurrection et l’au-delà, livrant leur propre lecture des motifs religieux. Car Arise est un trio de danse pour quatre artistes en communion, conçu pour des lieux à haute teneur spirituelle. Les corps et la musique se fondent en un ensemble transcendantal, comme aspirés par un appel d’air venant du haut ou d’un grand lointain. On imagine donc Arise autant sous la voûte céleste, sans vitraux interposés…
Les frères Ben Aïm ont eu la finesse de ne pas s’opposer frontalement aux vibrations de la Sainte-Chapelle. Par leurs unissons, leurs roulades ou un trio de derviches tournant au ralenti, ils en épousent les sensations pour les interroger de l’intérieur, révélant le noyau enfantin ou rebelle qui couve sous la surface. Lancés tels des chevaux en galop, ils dansent leur aspiration à la liberté, portés par les soupirs d’une guitare rock, vraisemblablement inspirée par une certaine Stairway to heaven…
Roulades, glissades à genoux, endurance, errance, trépas… Douce et articulée en même temps, la danse de ce trio donne à voir une chair qui rappelle son existence et parfois la transgresse. Nous sommes ici autant dans une métaphore de la vie que dans le parcours de trois migrants et leurs espérances. Le finale suggère un état d’extase, sans toutefois nous dévoiler sa nature. La proximité immédiate des spectateurs et leur petit nombre permettent aux danseurs de développer à certains moments un rapport sensoriel et presque tactile au public.
Christian et François Ben Aïm ont relevé le défi de ce lieu aux dimensions et au décor grandioses, et donc comparable à la Cour d’Honneur du Palais des Papes, dans une contradiction apparente, à savoir en intensifiant le lien avec le sol pour mieux révéler l’infinitude verticale, sans s’en trouver écrasés. Au contraire, la poésie de leurs présences ajoute à celle du lieu, en ouvrant des espaces intimes, distillant les émotions qui, face au lieu-même, peuvent céder au vertige.
Thomas Hahn