Avec FACÉTIES, Christian et François Ben Aïm signent un bijou de chorégraphie absurde qui laisse entrevoir toute la beauté de nos différences.
En préambule les frères Ben Aïm, embarrassés, font mine de nous expliquer leur démarche. Il est question dans cette pièce de la dimension du comique dans le mouvement. Et de citer Bergson, Aristote, Freud ou Vassiliev avant de conclure d’un tonitruant : « Et là, on est entre le je ne sais quoi et le presque rien ! » Après cette première facétie mâtinée d’autodérision – la danse contemporaine n’a-t-elle pas parfois tendance à se prendre trop au sérieux ? – six interprètes, dont Christian Ben Aïm lui-même, s’emparent peu à peu d’un plateau presque nu. Dans leurs habits de gala dont les paillettes scintillent ils esquissent des gestes gauches. Emportés par leurs membres qui s’agitent sans contrôle, ils semblent inquiets de ce qui leur arrive et de se trouver là. Ils entrent et sortent sans crier gare, s’observent, s’imitent et lorsqu’ils s’approchent les uns des autres leurs corps s’entrechoquent. Ils dessinent ainsi une chorégraphie que l’on croirait réglée par le ministère des marches stupides cher aux Monty Python.
Une ode à la différence
Mais peu à peu, prenant de l’assurance et assumant leur bizarrerie, leurs gestes se délient et s’harmonisent, leur plaisir de danser devient palpable. Ils osent des tours, des sauts et même quelques portés, avec la préciosité d’enfants jouant à être roi ou la tendre sauvagerie de jeunes animaux. Se faisant, leur étrange bien que virtuose chorégraphie quitte le registre du dérangeant ou du comique pour conquérir celui de la poésie. On repense alors à cette introduction dans laquelle il était fait mention de décalage avec la norme et qui demandait : « Qu’est-ce qui est drôle ? Qu’est-ce qui est drôle et finalement beau ? » Nous avons la réponse à cette seconde question, c’est FACÉTIES !
Delphine Baffour